De la lutte intégrée classique à la protection agroécologique de la canne à sucre contre ses insectes bioagresseurs

Régis Goebel a soutenu une Habilitation à Diriger des Recherches mercredi 10 mai 2023 dont le titre est : "De la lutte intégrée classique à la protection agroécologique de la canne à sucre contre ses insectes bioagresseurs", présentée auprès de l'Institut Polytechnique de Toulouse (INP).

Résumé

Passionné d'insectes, et après avoir obtenu mes différents diplômes en biologie et gestion et populations à l'université Paul Sabatier de Toulouse puis à l'Institut Polytechnique de Toulouse (INPT), mes premiers pas d’entomologiste de terrain se sont fait en République Centrafricaine (1985-1986) en tant Volontaire du Service National (VSN) en Coopération au sein de la SOCADA (Société Centrafricaine de Développement Agricole), sous la houlette de Jean Cauquil, alors directeur de la division entomologie à l’IRCT. Dans ce contexte, j'ai été amené à conduire des recherches de terrain en milieu de petit paysannat sur la protection phytosanitaire du cotonnier. De retour de Centrafrique, mon goût pour la recherche en milieu tropical m'incite à passer un Diplôme d'Etude Approfondie en Agrochimie puis à postuler au CIRAD qui me recrute en 1988 pour un poste d'entomologiste sur la base centre maïs à l'ISRA à St-Louis du Sénégal. Ensuite les affectations se succèdent tout d'abord à la Réunion où je prépare et soutiens ma thèse de doctorat à Toulouse (1999) sur un foreur des tiges de la canne à sucre, puis en Afrique du Sud où mon réseau international s'élargit avec à la clé des publications et des encadrements significatifs qui consolident ma carrière scientifique essentiellement dédiée à la canne à sucre. A mon retour à Montpellier en 2004 et après quelques expériences de management et d'animation d'équipe à la Direction des cultures annuelles (CIRAD-CA) aux cotés de Pierre Fabre et Marco Wopereis, je ressens le besoin de repartir sur le terrain en mobilité et j'obtiens en 2008 une bourse Marie-Curie européenne qui me permet de repartir en Australie pour étudier l'écologie d'un ver blanc de la canne à sucre occasionnant des dégâts importants dans les régions de canne à sucre au nord de Brisbane. Le retour à Montpellier en 2012, me fait replonger dans une activité hybride où, tout en poursuivant mes recherches, je prends l'animation d'une équipe "protection des cultures" (CARABE) au sein de l'unité AIDA puis le poste de Directeur adjoint de cette unité, avec Eric Scopel, DU.

Mes travaux m'ont amené à traiter de manière approfondie la question des dégâts des lépidoptères foreurs de tige et leur incidence économique, la mise en point d'un programme en lutte biologique à l'aide de trichogrammes à la Réunion puis en Indonésie, avec des études sur les doses et les périodes de lâchers, la régulation par les ennemis naturels et l'impact des pratiques culturales sur la gestion de ces foreurs, au cours de mes expatriations successives mais aussi durant les nombreuses expertises que j'ai réalisées à travers le monde.

Mes recherches sur la protection intégrée de la canne à sucre ont été conduites le plus souvent en lien avec les acteurs locaux, principalement les agriculteurs des pays du Sud, sous des climats tropicaux. Ces travaux de recherche appliqués ont conduit à une diversité de résultats scientifiques et techniques, touchant de près le développement dans un contexte de recherche-action. Mais les « résultats » les plus concrets obtenus sont les étudiants et les jeunes chercheurs qui ont été formés dans le cadre des projets où je me suis investi et avec l’espoir qu’ils pourront renforcer les institutions de recherche et de développement de leur pays. L’une des motivations principales de cette candidature à l’HDR est de m’investir davantage dans la direction d’étudiants. Néanmoins, plus qu’un exercice académique, l’HDR est aussi pour moi un exercice introspectif intervenant à un moment avancé de ma carrière marquée par la multiplication des projets, des expertises, des terrains d’investigation et des activités de « mentorat /coaching » pour des chercheurs entomologistes en Iran, Indonésie, Chine et Argentine principalement, avec qui j’entretiens des relations régulières. Il me paraissait alors important de faire le point sur l’évolution de mon cursus et son positionnement à cheval sur 3 disciplines : l’entomologie, l’agronomie et l’écologie. 

Après la présentation de mon parcours académique et scientifique, je donne une description synthétique des principaux résultats obtenus au gré de mes années d’expatriation dans différentes institutions : analyse de la problématique autour des foreurs de tige de la canne à sucre, démarche méthodologique d’étude suivie et principaux résultats obtenus, en mettant en avant leur originalité et leurs faiblesses. La leçon principale tirée de mes travaux est l’importance de bien analyser l’ensemble des facteurs agricoles et environnementaux qui influent sur les populations de bioagresseurs pour mieux prévenir des infestations, mais aussi de diffuser les informations techniques dans les réseaux d’acteurs publics et privés, et enfin de former ces acteurs à la biologie et l’écologie des bioagresseurs et à la reconnaissance des auxiliaires (ennemis naturels de ces bioagresseurs) les plus actifs dans les systèmes agricoles.

Enfin, je présenterai mon projet scientifique pour les années à venir. Il vise à dépasser les frontières de la protection des cultures classique, en abordant une démarche plus agroécologique et intégrative avec la prise en compte de l’échelle du paysage et du lien entre santé du sol et santé des plantes, et de la diversité végétale via notamment la capacité des plantes à communiquer par voie chimique aérienne grâce aux composés volatiles. En particulier, ce projet de recherche vise à (1) mieux comprendre le rôle de la biodiversité dans les services de régulation des bioagresseurs et les pratiques culturales qui favorisent ou défavorisent cette biodiversité fonctionnelle, incluant les interactions sol-plante, (2) concevoir des systèmes de culture innovants associés à des paysages fonctionnels pour mieux conserver et préserver cette biodiversité.

L'ensemble de cette approche vise à promouvoir, avec les acteurs agricoles, une Protection AgroEcologique des Cultures (PAEC), pour faire face à la perte de biodiversité, aux impacts environnementaux dus à l’utilisation abusives des intrants chimiques et aux défis posés par le changement climatique. 

Membres du jury 

 Jean-Pierre Sarthou, INRAE/INP Toulouse, Référent HDR
 Anne-Nathalie Volkoff, INRAE, Université Montpellier, Rapporteuse
 Denis Thiery, INRAE Bordeaux, Rapporteur
 Marie-Stéphane Tixier, INRAE, Rapporteuse
 Claire Lavigne, INRAE, Examinatrice
 Laurence Ollivier, CIRAD, Examinatrice

Publiée : 11/05/2023