Analyse des processus de compétition et de facilitation dans les agrosystèmes canne-à-sucre x légumineuses.

C'est le sujet de la thèse soutenue par Pauline VIAUD au Cirad à Montpellier le 15 décembre 2023.

Résumé:

Pour réduire l’usage d’herbicide et d’engrais azoté les acteurs de la filière canne à sucre expérimentent depuis plusieurs années des associations avec des légumineuses. Cependant, l'introduction d'une nouvelle plante complexifie le système de culture et peut représenter un défi pour concilier les services attendus (contrôle des adventices et enrichissement du système en azote) avec les performances agronomiques (risque de compétition interspécifique excessive). Ainsi, l’objectif général de la thèse était de caractériser les interactions de compétition et de facilitation entre canne à sucre et légumineuse. Ce travail repose d’une part, sur une méta-analyse couplant, de manière originale, des données de la littérature scientifique et des données issues d’un réseau d’essais mené à La Réunion et d’autre part, sur un essai expérimental représentant un cas d’étude : canne à sucre en association avec Canavalia ensiformis (L.) DC.,1825 - Pois sabre blanc.

Les résultats ont montré que les légumineuses ont eu un impact négatif plus faible sur le rendement de la canne à sucre que les adventices, renforçant l’intérêt des légumineuses pour réduire l'utilisation des herbicides. Cependant, les légumineuses entrainaient une baisse de rendement de canne de 3%, en moyenne, mais avec des variations importantes allant de -65% à +47%. Les dates de semis et de destruction de la légumineuse sont des facteurs clés pour orienter et moduler la compétition entre les espèces. Dans notre cas d’étude, la présence de légumineuses a affecté négativement la nutrition azotée de la canne, entraînant une réduction de la biomasse aérienne, racinaire et du tallage. Cet impact sur la disponibilité en ressources du sol semble être indirect via une diminution du volume de sol accessible par les racines de canne en présence de légumineuse. La compétition entre les espèces était fortement influencée par la disponibilité des ressources, en particulier l'eau, qui a eu un impact direct sur l'offre en azote du sol, soulignant l’importance de la gestion de l’irrigation dans ces systèmes.

Les données de la méta-analyse ont montré une augmentation du rendement en canne à sucre dans environ un tiers des cas, mettant en évidence une facilitation des légumineuses envers la canne à sucre. Toutefois, dans notre cas d'étude, les pertes d'azote du système sol-plante lors de la décomposition des résidus de légumineuse ont été équivalentes à la quantité d'azote apportée par la fixation de ces légumineuses. Ce résultat découle en partie des choix visant à promouvoir la croissance de la canne à sucre aux dépens de celle des légumineuses, ainsi que des conditions favorables à la volatilisation de l'azote (résidus laissés en surface, décomposition rapide des résidus, conditions climatiques et présence du mulch de canne).

Ainsi, cette thèse met en évidence les limites de la gestion actuelle des légumineuses dans les systèmes canniers de La Réunion, contribue à enrichir notre compréhension des interactions multi-spécifiques dans ces systèmes, et offre ainsi des indications sur les pratiques culturales à adopter pour optimiser les services rendus par les légumineuses.

Le jury était composé de :

Marie Hélène JEUFFROY, Directrice de recherche Inrae, Rapporteuse
Guenaelle CORRE-HELLOU, Enseignante-chercheuse Esa Angers, Rapporteuse
Gaëlle DAMOUR, chercheuse Cirad, Examinatrice
Bernd ZELLER, Ingénieur de recherche hors classe Inrea, Examinateur
Julien CHETTY, Ingénieur eRcane, Examinateur
Krishna NAUDIN, chercheur Cirad, Directeur de thèse
Mathias CHRISTINA, chercheur Cirad, Invité, co-encadrant
Antoine VERSINI, chercheur Cirad, Invité, co-encadrant

Publiée : 18/12/2023